MISE EN CONTEXTE:
En pleine pandémie, François et Marianne attendent leur premier bébé. Entre la joie et les angoisses variables que cette heureuse nouvelle leur apporte, ils s’efforcent de garder une stabilité dans leur vie alors que dehors, tout fou le camp. Par le biais d’un journal écrit sur une période de neuf mois, François décide de s’adresser à leur enfant qui, bien au chaud dans le bedon de Marianne, n’a que faire de la tempête qui sévit autour de ses futurs parents. Il lui partage ses observations et réflexions du monde d’aujourd’hui et ses questionnements sur sa paternité à venir.
Une nuit à dormir assis sur le bout du lit.
Le moïse est installé près de la commode.
Tes couches imbriquées en château-fort de mi-janvier devant le garde-robe.
Le chat à la vigie qui dort sur la job. Avec son cône post-chirurgie mineure.
Tout le monde est prêt.
Une nuit à dormir assis sur le bout du lit pis t’es même pas encore là.
Je veux dire, ton dos n’est pas une coquille dans le creux de mon coude.
Ça t’empêche pas d’être derrière chacun de mes mots depuis le début de l’été.
Je mets ma main sur toi et il est 4h30 du matin.
Tu me donnes un coup de pied ou un coup de fesse. Pas facile à dire.
Dis-moi que c’est un high-five utérin.
Dis-moi qu’on est déjà complice.
Dis-moi qu’on s’en va se balancer au parc en mangeant une patate frite graisseuse.
Ta mère dit que quand je mets ma main sur toi, tu te déplaces dans son ventre et tu viens te coller.
On se voit pas. On se connait pas.
Pis toi, tu me fais déjà confiance.
Une nuit à dormir assis sur le bout du lit pis je panique.
Pis je pleure.
Pis je mets ma main sur ma bouche pour pas que Marianne m’entende.
Pis si tu savais comment j’ai la chienne.
Si tu savais comment j’ai peur de t’échapper la première fois que je vais te tenir dans mes bras.
J’échappe tout. Tout le temps. J’arrête pas de faire des dégâts.
Je suis incapable de rattraper quoi que ce soit.
J’ai peur que tu penses que ma main sur le ventre de ta mère sera pas aussi réconfortante une fois que tu vas l’agripper avec tes petits doigts.
Dehors, fait froid, c’est l’hiver tapissé jusque dans des recoins insoupçonnés.
Reste encore là quelques semaines, quelques mois, quelques années ok?
Donne-moi le temps de fabriquer un papa.
Un papa sans bordel.
Un papa qui doute pu de lui.
Un papa qui sait patiner.
Une nuit à dormir assis sur le bout du lit.
J’ai la face enfouie dans le petit pyjama que ta mère t’a tricoté.
Je m’imagine te faire des pets de bouche sur le bedon.
J’ai peur que tu ris pas.
J’ai peur de scrapper même mes pets de bouche.
Il y a le sac de la maison de naissance qui est ouvert dans la chambre.
Il y a des morceaux de linge qui s’accumulent.
On est à veille de terminer le puzzle.
J’ai le shake en plaçant mes derniers morceaux.
Un coup que le zip du sac se referme,
C’est juste toi qui va le rouvrir.
Mon bébé, mon tout petit bébé.
Tout le monde est prêt.
Et ton père, sans le savoir,
te berce déjà la nuit au bout du lit, à 4h30 du matin.
Le projet « Ta vie » est un récit d’autofiction, inspiré de la vie de l’auteur. Commencé à être rédigé au début de l’été 2020, il prendra fin autour des derniers jours de février. Plusieurs dates du journal seront partagés en primeur avec la collaboration du théâtre de l’Oeil Ouvert.
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