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RÉSISTANCE

J’suis une femme qui travaille dans les arts vivants…

 

Il a fallu penser autrement… Devant nous, fut érigé-rigide un mur si grand, si puissamment ancré dans la peur de nos humeurs et notre sang.


Il a fallu penser autrement… Sur nos têtes, furent construits de jolis plafonds aux miroirs hypnotiques, avec quelques hublots par-ci par-là, juste assez grands pour y passer la tête ou un bras, mais pas les deux à la fois.


Il a fallu penser autrement… Sous nos pieds, fut creusé un fossé devenu rivière, des tranchées de savoir et de pierres, de connaissances inaccessibles, de transmissions qui ne nous sont pas destinées, d’érudition calculée. La rivière est devenue fleuve, et le fleuve, océan. On nous a tendu la main, au loin sur l’autre rive : « allez-allez on vous attend vous avez toutes les chances du monde vous n’avez qu’à traverser qu’à cesser de respirer qu’à savoir nager vous n’avez qu’à apprendre à marcher sur l’eau vous endurcir la peau qu’à vous inventer une façon de penser de repenser de contourner d’avancer de passer au travers briser le verre sans faire la guerre d’aller chercher votre lumière de plonger de chanter de créer allez-allez il n’en tient qu’à vous… »

Soit.               Regardez-nous aller. 

 Les bâtisseuses se sont réunies. Elles ont imaginé un navire, l’ont dessiné, l’ont construit.


Elles ont transporté les planches sur leur dos-large de porteuses de blâme, sur leurs épaules déjà surchargées par le poids des combats, sur leurs bras entrelacés formant un encrage inébranlable, un pont sur lequel naviguer, s’élever et danser, elles ont tissé une voile en courtepointe, un réseau de fils de résistance, ont rassemblé leurs idées, leurs histoires, puis elles ont hissé leur toile à la vue de tous, prêtes à accueillir les vents les plus larges, à braver avec enthousiasme des vagues dont elles connaissent pourtant la taille, transformant cette embarcation en lieu de tous les possibles, en espace d’exploration et de liberté. C’est un voyage sans fin, dont la destination n’est pas tracée d’avance, une expédition audacieuse à travers les âges et les saisons, avec comme figures de proue, toutes celles qui, avant nous, ont choisi d’aller à contre-courant, celles qui ont défriché, à travers une marée de désapprobations, de critiques et d’affronts, un passage pour laisser passer la caravelle; pour que l’on puisse faire vivre notre art et allumer notre propre sentinelle. Pour que l’on puisse se rassembler, se faire une place sans délimitation de contours prudents; une place qui va au-delà de celle qui nous est poliment offerte lorsque la tendance du moment est à l’image paritaire; une place qui n’est jamais complètement acquise, qui doit encore se tenir les coudes et la sororité, compter sur les alliés; une place qui cherche à comprendre et atteindre toutes les façons, les populations, les intersections… une place en constante évolution. 

 

Je suis une femme qui travaille dans les arts vivants.

Peut-être suis-je aussi politicienne et femme d’affaire.


Je suis une mère.

Peut-être la mère de futurs défricheuses et navigateurs ou la mère d’un projet porté, mis au monde et nourris avec autant d’ardeur…    

 

À toutes celles qui savent s’orienter dans la nuit et qui servent de guides, qui forgent l’histoire et écrivent sur les murs, qui dépassent les contours et s’inventent de nouveaux canevas. Les rêveuses, les rebelles, les indociles, les dissidentes… 

 

Continuons.

 


 

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